Ressources numériques en sciences humaines et sociales OpenEdition Nos plateformes OpenEdition Books OpenEdition Journals Hypothèses Calenda Bibliothèques OpenEdition Freemium Suivez-nous

Programme PIA – Guadalupe – Anlape

Par l’intermédiaire de l’IFEA, Nathan Oesch, étudiant ingénieur génie civil, a participé à deux semaines de fouille sur le programme PIA – Guadalupe – Anlape. Cela lui a permis de découvrir le métier d’archéologue ainsi que les différentes spécialités rattachées au secteur.

Au cours de l’échange suivant avec Alicia Espinosa, directrice de la fouille, vous allez découvrir le chantier de fouilles de Guadalupe et les spécificités de ce programme.

Bonjour Alicia, tout d’abord pouvez-vous présenter ?

Je m’appelle Alicia Espinosa, je suis docteur en archéologie et maîtresse de conférences de l’Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne et rattachée au laboratoire Archéologie des Amériques (UMR 8096, CNRS, France), spécialisée en archéologie Andine, plus particulièrement dans les études techniques de la céramique. Je suis aussi directrice du programme du PIA (Proyecto de Investigación Arqueológica) Guadalupe avec Jefrin Ascencio Falla, professeur à l’Université Nacional Toribio Rodriguez de Mendoza de Amazonas. Ce projet vise à étudier la transition préhispanique et coloniale dans la vallée de Jequetepeque à travers la fouille de plusieurs sites à commencer par celui d’Anlape.

Quels sont les principaux objectifs de cette fouille ?

Avec les membres du PIA Guadalupe, nous réalisons depuis 2023 des campagnes de fouilles dans une ancienne Église datant de la Période Coloniale Ancienne (XVI-XVIIème) sur la côte nord du Pérou (vallée de Jequetepeque). Actuellement, ce projet est financé par le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères pour une durée de quatre, mais qui a pour vocation d’être renouvelée. Ce projet s’inscrit en étroite collaboration avec des chercheurs et étudiants péruviens, ainsi qu’avec les institutions locales et en particulier les membres de la Municipalité du District de Guadalupe qui apporte un appui logistique et institutionnel au projet.

Notre chantier s’intéresse aux effets de la colonisation sur les modes de vie et les croyances des populations andines natives à partir d’une approche archéologique capable de documenter leur matérialité, dans un contexte où la plupart des recherches archéologiques au Pérou se concentrent sur les cultures préhispaniques. La particularité du site d’Anlape est de se composer de deux secteurs : un secteur préhispanique où s’élèvent les vestiges d’une huaca (monticule préhispanique) et un secteur colonial comprenant un couvent et l’église d’Anlape, ce dernier étant occupé entre 1563 et 1619, date à laquelle les bâtiments se sont effondrés à la suite du tremblement de terre de la Saint-Valentin. Ce lieu apparaît donc comme un cas d’étude majeur pour appréhender les transitions dans les modes de vie des populations andines natives à la transition préhispanique et coloniale, en abordant la sphère du quotidien (pratiques agro-pastorales, diète), économique (artisanat et échanges) et celle des croyances, essentiellement à pratique de l’étude des pratiques funéraires. Jusqu’à présent, les fouilles ont eu pour objectif de documenter le potentiel du site et des contextes archéologiques pour développer ces études. En outre, nous nous intéressons principalement à l’architecture de l’église et ses différentes phases de réfaction, ainsi à qu’à la séquence funéraire du site, soit les différents moments où cet espace était utilisé pour inhumer les individus de la réduction du site.

Pouvez-vous nous présenter succinctement l’équipe de fouille ?

L’équipe, pour l’année 2024, compte un total de 20 personnes, composée d’étudiants péruviens et français issus de l’Université Nationale de Trujillo, l’Université Nationale Pedro Ruiz Gallo et l’Université Nationale Toribio Rodriguez de Mendoza de Amazonas. Plusieurs spécialistes étaient aussi présents, dont un topographe, une archéoanthropologue, une conservation et une spécialiste en micromorphologie. La présence de ces spécialistes permet aux étudiants de se former à la pratique du terrain du terrain et aux études des matériaux. Plusieurs habitants vivant dans les environs immédiats du site ont également rejoint l’équipe pour participer aux fouilles. Durant les fouilles nous bénéficions aussi de l’appui des membres de la municipalité de Guadalupe qui participent directement au déroulement des fouilles et à la diffusion de ses résultats.

Figure 1 : Équipe PIA Guadalupe

Comment la fouille a-t-elle était menée ? Pouvez-vous nous parler de l’organisation du site ?

La particularité d’Anlape est qu’il s’agit d’un site localisé dans un contexte urbain, dans la zone d’Anlape associée à la ville de Guadalupe. Le site est donc constamment ouvert au public, en particulier les habitants de la ville qui sont invités à visiter les fouilles. Des visites destinées aux publics scolaires sont aussi régulièrement organisées. Pour des raisons de sécurité, à la fois pour les habitants mais aussi au regard des risques de pillage, le site est surveillé par la police Municipale de Guadalupe. Je tiens à souligner ici la grande implication des habitants d’Anlape et de la Municipalité, qui veillent à la protection du site et aussi à sa conversation, en organisant régulièrement des campagnes de nettoyages et des actions de sensibilisation.

Le matériel de chantier est stocké chez une habitante d’Anlape, habitant à moins de 100 mètres du site.

Au début de chaque journée, différentes équipes sont formées et attribuées aux différentes zones de travail.

Figure 2: Photographie en drone de la zone d’excavation

En 2024, les fouilles ont été menée sur 3 zones de fouilles :

– Zone 1 (rouge): Entrée de l’église (8x5m – Profondeur 1m75)
– Zone 2 (blue): Annexe entrée (2x5m – Profondeur 1m75)
– Zone 3 (vert) : Intérieur de l’église (4x17m – Profondeur 1m75)

Premièrement, nous avons travaillé tous ensemble sur la zone 1, afin d’atteindre le niveau de l’ancien sol de l’église à -1m75 qui avait été mis au jour lors de la précédente fouille en 2023. Ensuite, 2 équipes ont été formées afin de fouiller et mettre au jour méthodiquement les différents niveaux de remblais des zones 2 et 3, produits par des effondrements successifs des parois de l’église. Après cela, nous avons pu mettre en évidence le sol intact de l’église et différentes structures architecturales associées.

Finalement, nous sommes concentrés sur la zone 1 afin de décaper la couche de sol et fouiller les différentes niveaux sous le sous-sol de l’église sur des parties prédéfinies par un carroyage.

Quelles sont les principales méthodes que vous utilisez pour la fouille et l’analyse des objets trouvés ?

Les opérations archéologiques reposent sur la fouille d’aires ouvertes et le décapage progressif des différentes unités stratigraphiques qui sont documentées par des fiches et des photos.

Les différents matériaux retrouvés dans ces niveaux sont conditionnés dans des sachets et documentés par des étiquettes qui renseignent la date de collecte et le contexte (secteur, unité, couche stratigraphique, carré de fouille etc.). Les matériaux sont ensuite nettoyés, classés et inventoriés par catégories de matériaux. Les céramiques sont classées et datées à partir de plusieurs critères (le style et décor, l’origine géographique, la technique de fabrication et le contexte de découverte).

Figure 3 : Exemple de matériaux découverts par le PIA Guadalupe en 2023 (a. Restes de faune ; b.,c.,d. : fragments de céramique)

La particularité du site d’Anlape est la présence de nombreux contextes funéraires qui sont analyses par des archéoanthropologues de terrain selon une méthodologie rigoureuse mise en place par Lucie Dausse (UMR 8096 Archéologie des Amériques) et Audrey Baradat-Joly (Archeodunum). Les ossements humains sont collectés puis analysés en laboratoire (évaluer la taphonomie des ossements, observations pathologiques, estimation de l’âge à partir de mesures sur les ossements, en particulier pour les individus périnataux). Des échantillons, dont ceux d’ossements, seront ensuite envoyés en France pour effectuer une datation au Carbone 14. Ces datations permettent de préciser le cadre chronologique du site et des différentes couches stratigraphiques.

Lors du démontage des niveaux de remblais, les blocs d’adobe et les briques en terre cuite sont collectés et entreposés derrière la zone de stockage des déblais. Ces différents blocs d’adobe et briques sont étudiés afin de connaître leur fonction dans l’ancien édifice. Ils sont étudiés à partir de plusieurs critères :

  • Leur taille
  • La forme
  • La composition
  • Marquage distinctif du lieu de fabrication
Figure 5 : Zone de stockage des matériaux

Quels sont les vestiges découverts durant le chantier ?

Lors des fouilles de 2024, plusieurs tombes ont été découvertes, révélant des ossements humains, dont 11 individus périnataux, répartis dans les différentes couches et zones explorées. Des perles en verre de style vénitien ont également été découvertes dans des niveaux de remblais ainsi que des pièces de monnaie.

Dans la zone 3, des vestiges de l’ancienne église, tels que des morceaux de bois, des clous provenant de la charpente et des briques en terre cuite, ont été trouvés. De nombreux fragments de céramique ont été mis au jour dans les trois zones étudiées.

Comment se déroule une journée de chantier type ?

Voici une journée type de chantier :

  • Levée 6h30 – Petit déjeuner à 7h00 chez Don Carlos
  • Départ pour le chantier à 7h45
  • Arrivée sur site à 8h, Installation du matériel, attribution des zones et début du travail
  • Pause de 10h à 10h20
  • Pause déjeuner de 12h30 à 13h30
  • Pause de 15h à 15h20
  • Replis du matériel et fin de journée à 17h environ.

 

Figure 6 : Photographie du chantier

Comment la communauté locale réagit-elle à ces recherches archéologiques ?

Depuis 2019, Jefrin Ascencio a longuement consulté les communautés locales pour leur présenter le projet et de discuter des bénéfices mutuels que pourrait engendrer cette recherche. Depuis 2023, la municipalité s’est directement impliquée en finançant une partie du projet en 2023 et en 2024 renouvelant cet appui, en prenant intégralement en charge le transport et la surveillance de l’équipe sur les fouilles, ainsi que les repas du midi. Les autorités locales se montrent coopératives et soutiennent ces initiatives, conscientes de l’importance de la préservation du patrimoine pour le développement culturel et touristique de la région. Cette attitude favorable contribue à la protection des découvertes archéologiques et à une meilleure compréhension de l’histoire régionale. En tant que directeurs du projet, nous considérons que cet effort doit être mutuel et c’est pour quoi nous sommes en constant dialogue avec la municipalité pour les appuyer et conseiller pour la gestion du patrimoine archéologique sous l’autorité de la municipalité. Nous veillons à mettre également des dispositifs de protection du patrimoine en servant parfois d’intermédiaire avec le ministère de la culture péruvien et en menant des actions concrètes telles que la reconnaissance des limites précises du site d’Anlape Nous veillons également à transmettre dans les médias locaux et à travers des réunions publiques les résultats du projet. Nous souhaitons toutefois renforcer ces activités et avec les communautés locales réfléchir sur leur implication directe et les modes de gouvernance de la connaissance générée par le projet.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
comunicación ifea (11 novembre 2024). Programme PIA – Guadalupe – Anlape. IFEA. Consulté le 24 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12niv


Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.